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Date de création : 13.02.2011
Dernière mise à jour : 01.10.2025
47 articles


Et Dieu là-dedans? Partie II

...

L’exemple le plus récent de ce genre de littérature qu’il m’ait été

donné de rencontrer est un livre publié en 2007 par l’Université

Interdisciplinaire de Paris (UIP)47. L’auteur, M. Jean Staune, trouve

une place pour Dieu dans les interstices laissés béants par la science aux

divers endroits suivants: premièrement, la non-localité de la matière

au niveau particulaire; deuxièmement, l’existence des contraintes

internes dans l’évolution des formes vivantes, qu’il interprète comme

le résultat de l’existence d’un plan fondamental pour les formes du

vivant; enfin, l’existence, chez l’homme, d’une conscience réflexive

 par laquelle Dieu peut s’ingérer dans les affaires du monde. Chaquediscussion, du point de vue scientifique, est dabord bien menée. Puis,

comme c’est courant dans ce genre littéraire, l’auteur pointe du doigt

les explications manquantes, et y insère son Dieu, sonGod-of-the-Gaps.

Il ne se gêne pas pour suggérer l’existence d’une sorte de complot

organisé par la communauté scientifique, vue comme parfaitement

monolithique, pour empêcher la publicisation de ces faiblesses de

la science. L’ouvrage se termine par une postface rédigée par un

autre membre de l’UIP. Ce dernier n’hésite pas à nous présenter un

discours à la Sarkozy, un appel aux valeurs d’avant Mai 68, avec une

vraie morale. ‘Contribuer au réenchantement du monde, selon le mot

de Prigogine, tel est le véritable but de cet ouvrage’48, nous dit l’auteur

de la postface. À la lecture, on s’en était douté.

 

Les frères Bogdanov, eux, choisissent le seul instant du début de

l’univers comme interstice pour insérer leur Dieu. Ils le font à travers

toute une série de livres populaires dans chacun desquels ils n’ont de

cesse que d’insister sur le caractère mystérieux de l’ajustement fin des

constantes de l’univers.

 

Contribuer au réenchantement du monde, c’est peut-être aussi ce à

quoi vise le physicien Bernard d’Espagnat dans son argumentation en

faveur d’unréel voilédont il dit qu’il pourrait être vu comme étant de

nature spirituelle. Cette ouverture vers l’Être fondamental, il la voit

comme une permission qu’il redonne au scientifique de considérer

avec bénévolence les émotions profondes en lui qui l’appellent à

‘tendre–avec confiance et persévérance- vers quelque chose qu’il ne

 

47Staune, Jean,Notre existence a-t-elle un sens?,Paris, Presses de la Renaissance, 2007, 533 p

48ibid,p. 489

 

52

 

pourra jamais vraiment atteindre et qui, de ce fait, tel un horizon,

participe de la transcendance.’49Pour d’Espagnat, il semble qu’il faille

qu’il existe une transcendance pour que le scientifique soit motivé

à fournir son effort à la recherche. Ailleurs, le même auteur accuse

encore ‘l’abandon progressif de toute référence au réel’ d’être peutêtre

la cause d’une ‘artificialité croissante’ qu’il trouve dans la poésie

et dans les arts modernes en général50. Pour d’Espagnat, la pensée que

l’Être existe pourrait être une source acceptable de motivation à aller

plus loin, plus haut. C’est semble-t-il cette permission qu’il veut nous

redonner. Ce faisant cependant, il a mis sa pensée en porte-à-faux,

comme le montre bien le fait que ses travaux soient couramment cités

par l’auteur Jean Staune auquel je viens de référer. Je ne suis pas sûr

que d’Espagnat souscrirait à tout ce qu’on lui fait dire.

 

Permettez-moi de continuer ici sur une note plus personnelle. Vers

le milieu des années 1980, donc cinq ou six ans après la rédaction de

la première version du présent ouvrage –version où j’arrivais à une

formulation personnelle duDessein Intelligent, je m’en confesse à

nouveau- je fis la connaissance, à travers quelques-uns de ses livres, du

philosophe français Claude Tresmontant.

 

En lisant son ouvrageComment se pose aujourd’hui le problème de l’existence

de Dieu51, je découvris un philosophe qui avait parcouru le même

chemin que moi et en était arrivé aux mêmes conclusions. Mais, là,

un vrai philosophe. D’une érudition réconfortante sur les capacités

de la bête humaine. En plus d’avoir une compréhension approfondie

des divers domaines de la science que j’avais moi-même commencé à

explorer dans le cadre de ma recherche, Tresmontant montrait une

maîtrise impressionnante des grands textes de la métaphysique.

 

Je dévorai cet ouvrage en savourant ce genre de plaisir qu’on peut

avoir à mener une conversation par-dessus la clôture avec quelqu’un

qui partage vos vues et vous renvoie une image flatteuse de vousmême.

Mais, tout au long de cette lecture, un sentiment de mauvaise

conscience grandissait en moi. Il y avait cette atmosphère généralisée

de mise au défi de la science. Une façon de présenter à la science des

défis qu’elle ne pourrait jamais relever, dans le but à peine effleuré à la

fin de l’ouvrage de sauver Dieu.

 

Tresmontant trouve trois interstices, troisGaps,dans lesquels

placer l’action nécessaire du Dieu créateur: le surgissement de l’être

(Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?), l’organisation de

la matière qui mène à la vie et, enfin, l’existence de la conscience

(humaine). Mon lecteur aura noté que ces interstices sont les mêmes

que ceux que j’avais moi-même identifiés. D’autres en trouveront plus.

Insatisfaits de la théorie de l’évolution, ils trouveront un interstice à

chaque nouvelle espèce par exemple. Mais bon. L’idée de base est là.

Malgré toutes ses préventions, Tresmontant trouve son Dieu là où la

science n’a pas encore de réponse.

 

 

 

Près de trente ans plus tard, je me retrouve assez satisfait des réponses

de la science pour ce qui concerne l’avènement de la vie et celui de la

pensée. Le seul interstice que je concède encore à Tresmontant, c’est

celui du temps zéro du surgissement d’être que constitue l’existence

d’un univers. À partir de là, je pense que la nature contient en ellemême

les possibilités d’auto-organisation requises pour monter

sans aide tous les degrés jusqu’à et y compris celui de la conscience

humaine.

 

 

Je pose une question à Tresmontant (et aux émules duDessein

Intelligent). Que pense-t-il avoir gagné? Ce Dieu qu’il a sauvé, n’est-il

pas un Dieu chiquenaude, qui a mis l’univers en mouvement et ne peut

plus que le regarder aller? Un Dieu qui ne peut opérer de miracles, qui

ne peut se permettre de répondre à nos prières sous peine de briser

l’ordre cosmique par lui institué. Un Dieu, enfin, qui ne peut même

pas descendre sur Terre pour nous tendre les Tables de la Loi.